Le 4 avril 2012
Transmettre une entreprise en 2012 : règles fiscales et dispositifs en vigueur
Depuis 2003 et la loi pour l'initiative économique (loi Dutreil), l’Etat a mis en place un ensemble de dispositifs d’exonération et d’allègements fiscaux afin de faciliter la cession-transmission d’entreprise. Les lois de finances rectificatives pour 2011 et la loi de finances pour 2012 ont-elles changé la donne ? Etat des lieux.
Avec l’objectif d’une pérennité du tissu économique français et pour anticiper la cessation d’activité de générations de chefs d’entreprises à fort effectif, l’Etat a mis en place un ensemble de dispositifs d’exonérations et d’allégements fiscaux qui facilitent la transmission d'entreprise à titre gratuit et qui limitent le "frottement fiscal" pour les cessions en cas de départ à la retraite. Quels sont les principaux dispositifs de faveur qui constituent, en l’état actuel de la fiscalité, les réflexes juridiques et fiscaux les plus fréquents ?
L’aménagement des droits de donation et de succession
Le dispositif du "Pacte Dutreil" applicable aux transmissions à titre gratuit de titres ou d’entreprise individuelles permet de bénéficier d’un abattement de 75 % sur l’assiette des droits de donation ou de succession. Ce régime de faveur vise les sociétés soumises à l’IS (impôt sur les sociétés) ou à l’IR (impôts sur le revenu) et entreprises individuelles, ayant une activité industrielle ou commerciale, artisanale ou libérale. Pour en bénéficier, deux conditions doivent être remplies :
- le redevable doit s’engager avec d'autres associés, de leur vivant, pour eux-mêmes et leurs donataires ou héritiers, à conserver au moins 34 % des droits de vote (ou au moins 20 % si la société est cotée) pendant au moins 2 ans (1) à compter de la date d’enregistrement du pacte.
- pour bénéficier de l'abattement sur la fraction des titres qui lui revient, chaque héritier/donataire doit individuellement prendre l'engagement dans la déclaration de succession ou l’acte de donation, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, de conserver les titres transmis pendant 4 années supplémentaires, à compter de l'expiration de l'engagement collectif ou de la transmission (si l’engagement est réputé acquis).
Avis d’expert : la transmission d’entreprise épargnée et assouplie par la 1ère loi de finances rectificative pour 2011
« La réforme ne revient pas sur les mesures destinées à faciliter la transmission d’entreprises. Le dispositif Dutreil a même été assoupli : possibilité pour les associés signataires d’admettre un nouvel associé dans le pacte déjà conclu à condition que l’engagement collectif soit reconduit pour une durée minimale de deux ans, absence de remise en cause – sous certaines conditions – des avantages fiscaux en cas de cession de titres pendant la durée de l’engagement collectif. Et certaines donations d’entreprise bénéficient toujours d’une réduction de 50 % du montant des droits. Contre toute attente, les exonérations d’impôt sur la plus-value pour les dirigeants/exploitants qui cèdent leurs entreprises et partent à la retraite sont également maintenues. »
Robert Mancini, directeur Gestion de Fortune et Transmission d’Entreprises à la Caisse d’Epargne Rhône-Alpes.
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L’allègement de la taxation des plus-values liées à la cession de titres
En ce qui concerne les cessions à titre onéreux, les mesures les plus significatives portent sur les plus-values de cession de titres. Elles varient selon que les sociétés concernées sont soumises à l’IS ou à l’IR.
- Dans une société soumise à l’IS :
o le contribuable peut bénéficier d'une exonération de l’imposition à 19 % qui dépend notamment de la durée de détention de ces titres. L’abattement est d’un tiers pour chaque année de détention au-delà de la 5ème année à partir du 1er janvier 2006. L’exonération serait ainsi partielle pour une cession en 2012 (abattement d’un tiers) et de 100 % si celle-ci avait lieu en 2014.
o le PEA (plan d’épargne en actions) peut jouer un rôle complémentaire pour augmenter la base d’exonération des plus-values sur titres. Les titres de sociétés IS peuvent en effet y être vendus en exonération d’impôt et le produit de cession peut être retiré du PEA sans frottement fiscal (hormis les prélèvements sociaux) lorsque le PEA est détenu depuis plus de 5 ans.
- Dans une société soumise à l’IR :
o les plus-values sont exonérées de cet impôt totalement si les cessions sont inférieures à 300 000 euros, ou partiellement si elles sont inférieures à 500 000 euros (2). Afin de bénéficier de ce régime, il faut que les titres constituent un actif professionnel, que la société soit en activité depuis au moins 5 ans et que le cédant n’ait pas de lien avec le cessionnaire (cette dernière condition doit être validée au moment de la cession ainsi que dans les trois années suivant la cession).
o les plus-values bénéficient d’une exonération complète lorsque les titres sont vendus à l’intérieur d’un groupe familial, constitué des conjoints, de leurs ascendants, de leurs descendants et de leurs frères et sœurs, du cédant ou de son conjoint, si ce groupe familial a détenu pendant au moins cinq ans, directement ou indirectement, plus du quart du capital et si le cessionnaire du groupe familial ne les revend pas à un tiers pendant un délai de 5 ans. Ce dispositif en apparence avantageux est néanmoins incompatible avec une acquisition réalisée sous forme de LBO.
Le traitement de l’imposition sur les plus-values liées aux cessions de fonds de commerce ou de branches complètes d’activité
Les cessions à titre onéreux d’un fonds de commerce ou d’une branche complète d’activité d’une société soumise à l’IR sont exonérées totalement ou partiellement, comme pour les ventes de titres et selon les mêmes conditions. La vente d’un fonds de commerce à son locataire-gérant à l’issue du contrat de bail bénéficie, par exemple, de ce régime. A l’inverse, si la société est soumise à l’IS, les transactions sont imposées au taux normal de l’IS (33,3 %). Le régime des plus ou moins-values à long terme dans le cadre de sociétés soumises à l’IS concerne en effet seulement les cessions des seuls titres de participation (3) et de droits de propriété industrielle.
L’impact de l’ISF sur le produit de cession
Pour rappel, les biens considérés comme nécessaires à l’activité professionnelle principale du contribuable sont, sous réserve de conditions, exonérés totalement d’ISF. En outre, il convient de noter que lorsque lesdites conditions ne sont pas réunies, les titres détenus par des salariés, ou retraités, ou par des mandataires sociaux de l’entreprise, ou encore ceux faisant l’objet d’un "engagement de conservation Dutreil ISF", peuvent être exonérés d’ISF à hauteur de 75 % de leur valeur. La cession d’un actif professionnel n’est pas sans conséquence au plan de l’ISF. Son prix (net de fiscalité sur la plus-value) est, dès le 1er janvier suivant l’arbitrage de l’actif, intégralement imposable à l’ISF, selon le barème en vigueur. Cette imposition peut donc obérer le rendement du patrimoine issu de la cession.
À de nombreux égards, ces dispositifs diminuent les "frottements fiscaux", notamment en fin d’activité professionnelle et dans un cadre intrafamilial, même s’il convient de noter que les prélèvements sociaux sur les plus-values restent dus (13.5 % pour 2011). Pour autant, leur complexité suppose un certain degré de préparation et d’expertise, tant les schémas d’optimisation relèvent du sur-mesure. D’où la nécessité d’être accompagné. Partenaire de confiance de l’entrepreneur, le chargé d'affaires Gestion Privée de la Caisse d’Epargne s’impose alors comme un interlocuteur privilégié lors de la préparation et de la réalisation de la transmission.
(1) NB : à compter du 1er janvier 2007, cette obligation est réputée satisfaite si depuis plus de deux ans : le défunt (le donateur) seul ou avec son conjoint ou partenaire pacsé, respecte ces seuils et si l'un d'eux a exercé dans la société son activité professionnelle principale ou une fonction de direction.
(2) Le taux d’exonération pour les cessions de plus de 300 000 euros est dégressif, égal à : (500 000 euros - valeur des éléments transmis) / 200 000 euros.
(3) Les titres de participation qui sont ceux qui revêtent ce caractère sur le plan comptable bénéficient d’un régime de faveur lorsque ceux-ci sont détenus depuis plus de deux ans.
Pour aller plus loin : retrouvez
- Transmission d’entreprise, les vertus de la proximité.
- Optimiser la transmission de son entreprise à ses proches.
- Comment transmettre une entreprise à des enfants mineurs ?.
- Dirigeants de PME : des stratégies patrimoniales et professionnelles indissociables, l’interview vidéo d’Alain Tourdjman, directeur des Études économiques et de la Prospective de BPCE.
- Quand les PME changent de mains, la deuxième édition de BPCE L’Observatoire, consacrée à la cession-transmission des PME françaises