En 2000, ma sœur a reçu de mon père une maison. Pour compenser, il m’a donné une somme équivalente. Ces donations ont été réalisées sans dispositions particulières. Comment les prendre en compte alors que notre père vient de décéder ?
La réponse de Xavier Robert de Chièvres, Ingénieur juridique et fiscal - Banque Privée 1818.
Sur le plan civil, le défunt est présumé avoir souhaité maintenir l’égalité entre ses héritiers. C’est pourquoi chacun d’eux doit rapporter à la succession tout ce qu’il a reçu du défunt par donation. Toutefois, chaque héritier gratifié d’une donation conserve la propriété du bien qu’il a reçu ou acquis par emploi ou remploi, c’est-à-dire en utilisant la somme reçue. Depuis la loi du 23 juin 2006, portant réforme des successions et des libéralités, le rapport des donations se fait en valeur. Les biens donnés sont réintégrés dans la masse successorale pour leur valeur à la date du partage (c'est-à-dire à la date de la succession) et pour leur état à la date de la donation (ou à la date de l’emploi ou du remploi).
Ainsi, la maison donnée à votre sœur pour 150 000 euros en 2000 vaut 300 000 euros au moment du partage en raison de l’augmentation du prix de l’immobilier. La valeur de la maison à retenir pour le rapport est de 300 000 euros, car il s’agit d’une “amélioration fortuite”, c’est-à-dire obtenue sans intervention de votre sœur.
De votre côté, avec les 150 000 euros que vous avez reçus de votre père, vous avez acheté un bien immobilier, évalué actuellement à 200 000 euros mais cette plus-value n’est due qu’aux travaux que vous y avez effectués. La valeur à retenir pour le rapport est alors de 150 000 euros car on ne tient pas compte des travaux réalisés par le donataire.
De plus, à son décès, votre père vous a laissé à tous deux un patrimoine supplémentaire évalué à 100 000 euros. La masse successorale à partager est donc de 550 000 euros (comprenant les 300 000 euros de la maison de votre sœur, les 150 000 euros que vous avez reçus et les 100 000 euros de la succession). Vos droits respectifs dans la succession sont alors de 275 000 euros (550 000 divisés par 2).
La valeur du rapport de votre sœur va d’abord s’imputer sur sa part de 275 000 euros et elle devra vous verser le solde, soit 25 000 euros. Ainsi, non seulement votre sœur ne reçoit rien de la succession mais elle doit en plus vous verser une indemnité de rapport de 25 000 euros alors que la donation réalisée en 2000 était égalitaire.
Pour éviter ce dénouement, que votre père n’avait sans doute pas souhaité, la solution aurait consisté à recourir à une donation-partage qui, sous réserve d’acceptation par l’ensemble des héritiers réservataires, aurait permis de figer définitivement les valeurs à la date de la donation. Lors de la succession de votre père, votre sœur et vous-même auriez alors reçu chacun 50 000 euros.
Dernière actualisation : le 20 septembre 2008
Pour aller plus loin :
Consultez le texte de loi en accédant à l’adresse suivante :
http://www.vie-publique.fr/actualite/panorama/texte-vote/loi-du-23-juin-2006-portant-reforme-successions-liberalites.html