Le 12 octobre 2011
Croissance mondiale, les pays émergents donnent le ton
C'est désormais vers les économies émergentes qu'il faut tourner le regard pour se forger une opinion sur la croissance mondiale. Patrick Artus, directeur de la recherche économique de Natixis, explique pourquoi cette rupture s'annonce durable en dépit des risques suscités par le retour de l'inflation et par la hausse des prix des matières premières.
« Jusqu'à une période récente, il suffisait de scruter attentivement les perspectives de croissance de l'économie américaine pour se forger une opinion sur celles de la planète. Aujourd'hui, mieux vaut tourner ses regards vers l'Est et le Sud car c'est désormais le cycle économique des pays émergents et exportateurs de pétrole qui donne le «la». Un leadership fondé sur le cycle des matières premières puisque les pays émergents en consomment désormais l'essentiel, et sur l'évolution du commerce mondial. Depuis 2006, c'est bien la croissance de la production industrielle des pays du Sud qui tire celle des pays du Nord et non l'inverse.
Quels sont les risques susceptibles de peser sur la croissance des économies émergentes ?
- leurs réactions face à l'inflation.
A l’exception de la Chine et du Brésil qui ont engagé le combat avec des politiques monétaires restrictives, globalement, celles des autres pays émergents restent très expansionnistes. Les taux d'intérêt y demeurent très inférieurs aux taux de croissance. En Inde par exemple, le taux d'intérêt est à 7 % quand la croissance nominale est à 21 % !
- l'impact de la hausse des prix des matières premières
C'est peu probable car, dans l'ensemble, les économies émergentes y gagnent plus qu'elles n'y perdent, de nombreux pays étant exportateurs de matières premières. Par ailleurs, l'effet sur le pouvoir d'achat reste limité pour la plupart d’entre eux car globalement les salaires y sont indexés. L’augmentation des prix se résume, en particulier en Chine pour ce qui concerne les matières premières alimentaires, à un transfert du pouvoir d’achat des urbains vers les paysans.
- le risque de hausse des coûts de production
C’est un risque plus sérieux à un horizon plus lointain. En 2011, les prix des produits importés depuis les pays émergents représentent en moyenne 58 % du prix de leurs équivalents américains ou européens lorsque ceux-ci existent. Mais le rattrapage est rapide. Les coûts unitaires de production des émergents augmentent de 9 % par an en moyenne, auxquels il faut ajouter l'effet change, soit environ 15 % de plus pour leurs prix en dollars ou en euros. Autant dire qu'à l'horizon 2015 et au-delà leur avantage compétitif sera largement émoussé.
Que faut-il retenir de la belle croissance annoncée des pays émergents ?
- ces pays restent un support d'investissement attrayant, avec une réserve sur le Brésil et la Chine qui ne sont pas à l'abri de mauvaises nouvelles,
- les prix des matières premières ne devraient, eux, pas se retourner à la baisse,
- les pays de l'OCDE, dont les exportations vers ces pays représentent 8 % de PIB et sont en augmentation de 20 % par an, ne peuvent que se réjouir d'une vitalité qui devrait leur assurer une contribution d'un point et demi de croissance. »
Pour aller plus loin : voir Croissance mondiale : état des lieux et perspectives à la veille de 2012, l’interview en vidéo de Patrick Artus
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