Le 26 janvier 2012
Des bulles à prix d’or
Le marché de la bande dessinée de collection se porte bien. Un succès qui attire les amateurs d’art contemporain et les investisseurs en quête de placements insolites. Balade au pays du 9ème art.
307 800 euros, c’est le montant record (voir encadré) payé l’année dernière par un collectionneur pour acquérir une double planche originale à l’encre de Chine réalisée par Hergé pour l’album Le Sceptre d’Ottokar. Si la valeur d’un album se situe en moyenne entre 800 et 10 000 euros, sa détermination dépend de critères très pointus. « L’album doit être une première édition, avec les vieilles couleurs et les vieux papiers, mais il doit impérativement rester proche de l’état neuf : sans déchirures, taches ou écornages », explique Éric Leroy, expert du département Bandes Dessinées de la maison de ventes Artcurial.
Quelles sont alors les valeurs sûres ?
« Hergé, car il couvre tout le XX e siècle, de 1929 à 1983. Par exemple, une édition originale des Bijoux de la Castafiore vaut environ 2 000 euros », indique Éric Leroy. Les autres "grands" sont ceux qui publiaient dans le Journal de Spirou ou le Journal de Tintin : Morris avec Lucky Luke, Franquin avec Gaston Lagaffe et Spirou et Fantasio, Peyo et ses Schtroumpfs. Les séries phares comme Astérix ou Blake et Mortimer ont aussi un grand succès. Sans oublier la nouvelle génération : Enki Bilal, Tardi, Moebius ou Nicolas de Crécy. En revanche, même si les ventes de mangas grimpent de 30 % par an, il n’y a toujours pas de marché de collection, la clientèle étant encore probablement trop jeune.
Un placement pour les amateurs collectionneurs
Planches, albums ou figurines sont donc devenus, depuis quelques années, de véritables objets de collection. De quoi attirer de plus en plus d’investisseurs. Néanmoins, il ne s’agit pas d’un marché de spéculateurs, mais de passionnés. « Un milieu de bibliophiles, souligne Éric Leroy. De 7 à 77 ans, les collectionneurs s’intéressent à l’album en lui-même, pour le plaisir de la lecture et du dessin. Il est relié à un souvenir d’enfance : il y a une charge nostalgique.»
Et contrairement à l’art abstrait devenu inabordable, la BD, elle, est un art populaire qui peut entrer dans les foyers. « Certaines illustrations sont de vrais tableaux que l’on peut acquérir sans y consacrer un énorme budget : par exemple une planche à l’encre de Chine de Bibi Fricotin coûte entre 50 et 200 euros », ajoute Éric Leroy. L’univers de la BD n’est plus considéré comme un loisir réservé aux enfants, elle est désormais reconnue comme le 9 e art. D’ailleurs, d’un point de vue fiscal, la BD ancienne appartient à la catégorie des objets d’art ou de collection*. « C’est donc un marché d’avenir : il y a toujours de nouveaux talents à découvrir, conclut Éric Leroy. Je conseille néanmoins aux amateurs collectionneurs qui veulent profiter de ce placement plaisir de ne pas vendre ou acheter dans les vide-greniers mais aux enchères, dans une maison spécialisée. »
* Sa valeur n’entre donc pas dans le calcul de l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune). Lors d’une vente, le vendeur doit s’acquitter d’une taxe de 5 % si l’œuvre a une valeur supérieure à 5 000 euros, sauf option pour le régime d’imposition des plus-values sur biens meubles.
Zoom : les records de vente
En 2008, Hergé est devenu l’auteur de bandes dessinées le plus cher du monde, grâce à une gouache réalisée en 1932 pour la couverture de Tintin en Amérique, vendue 764 218 euros ! Pour les artistes contemporains, Enki Bilal est en première position avec la vente d’un dessin à l’acrylique et gouache de couleur pour la série Bleu Sang, adjugé 177 000 euros en 2007. Autres records : la vente de l’album L’étoile mystérieuse datant de 1943 pour 102 935 euros en 2009 ou encore les 324 025 euros obtenus en 2010 pour la couverture de l’album de Gaston Lagaffe Des gaffes et des dégâts, réalisé par Franquin en 1968.
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